Le soleil frappait le tarmac de toute ses forces. Sous le auvent où l'ombre procurait plus l'idée de la fraîcheur que sa réalité, Rufus fixait la console de contrôle de la soute de son transporteur.
« Aly, on a encore perdu trois degrés ! »
« Relax Rufie ! Je suis dessus ! Dès que j’aurai réussi à fixer ce bidule au machin noir… Ca devrait marcher… »
Dépassant de la trappe d'accès à la machinerie complexe du porteur, une queue argentée et maculée de graisse de moteur virevoltait.
« C'est ma dernière chance, j'ai mis toutes mes économies là-dedans ! Si ça foire, je suis foutu... »
Rufus essuyait la sueur qui perlait à grosses gouttes : le soleil semblait décidé à ruiner sa vie autant qu'à le déshydrater.
« Je t'avais dit que ton compresseur tiendrait pas éternellement ! T'as vu cette chaleur ? Ce vieux machin, c'est un miracle qu'il ait tenu jusqu'ici ! Tu lui as fait cracher bien plus qu'il pouvait tenir... »
« Mais la météo avait prévu de la pluie et du vent ! C'est quoi cette planète pourrie ? Elle est où la pluie ? Et le vent ? Mais nan, que du soleil ! Si je réussis ce transport je suis sauvé, ma boite est sauvée, et ma famille aura toujours un toit sur la tête. »
Des grincements inquiétants provenaient de l'intérieur de l'appareil. Deux degrés de plus sur l'écran. Rufus, désemparé, s'écroula dans un siège. »
« Inutile... Aucune idée d’à quoi ça sert... »
Des rouages et des circuits surgissaient de la trappe, lancés comme du rebut. Rufus n'avait même plus la force de protester et, alors qu'il s’apprêtait à renoncer, le vrombissement de son vieux compresseur se fit entendre.
« Yeeah ! »
Les moteurs du vaisseau de transport s'animèrent et une Aurin sauta comme un diable hors de sa boite, s'extirpant
in extremis par la trappe d'accès.
« Ca marche ! Bordel de Dieu, ça marche Aly ! Tu m'as sauvé ! »
« Je te garantis pas que ça tienne éternellement. Change ton compresseur Rufie, ok ? Et je suis en retard maintenant... Ecoute, j'ai un job ultra important : je te laisse. On verra pour la note une autre fois, ok ? »
« Tout ce que tu veux ! »
*******
L’émetteur d'Alyssande résonna : visiblement un appel urgent. Elle décrocha aussitôt.
« Hey la peluche ! Tu dois rentrer tout de suite : y a urgence. »
Sur la projection holographique, le visage sévère d'Anastasya avait pris son expression des mauvais jours : autant dire vu qu'il s'agissait d'une Mordesh, qu'un mauvais jour était carrément symbole de catastrophe.
Moins d'une heure après l'appel, Alyssande était devant le transmetteur de la base d'opération de la garde : une sorte de centre de vacance à l'abandon, fermé avant même son ouverture. Le fruit de l’esprit d'un Granok persuadé qu'il pourrait créer des centres de vacances sur Nexus... Bref, les malheurs des uns...
« Ok Space Zombie ! C'est quoi le truc ? »
Avec un haussement de sourcil, la Mordesh activa le message en attente. A l'arrière plan, on distinguait une jungle épaisse et un campement avec tout un tas d'objets anciens sur des tréteaux en attente de classement et d’identification. Un homme d'age moyen, le visage crasseux et ensanglanté, faisait face à la caméra.
« Anastasya ! Contacte la Garde, c'est un appel d'urgence ! On a besoin d 'aide ! L'équipe... On a trouvé quelque chose, mais... Ca tourne mal Ana ! Vraiment mal ! Brock et Rock sont morts je crois et je… S'il m'arrive un truc, prends soin de ma fille, ok ? Mon dieu... Mon dieu, j'ai tellement peur Ana ! Venez nous aider, ils... »
La vidéo s’arrêta là, les images remplacées par de la neige et un statique insupportable. L'Aurin pris une profonde inspiration, son visage encore couvert de cambouis n’arborait plus son sourire habituel.
« C'est Harry ? Ton pote archéologue ? Celui qui était avec les réfugiés, avec sa gamine toute blonde avec qui j'ai joué toute la soirée jusqu'à ce qu'elle s'endorme sur moi en bavant ? »
« Oui. »
« Tu as vu ce que j'ai vu sur la table derrière ? »
Encore une fois, de son ton morne, Anastasya assena un « Oui. »
« Bien. Réunis une équipe. Ara, Elve, Sele, Nini, Madd, Obsy, Sae et toi ! Tu les récupères, vous faites vos paquetages, si il faut payer prends ça. »
L'aurin ouvrit un petit coffre et se saisit d'une bourse en peau distendue.
« Ça devrait couvrir les frais. »
« Mais... C'est tout ce qu'il te reste d'Arboria ! Ces gemmes... »
D'un geste ferme, la petite Aurin tendit la bourse.
« Ce sont des vies Ana, et là, on peux agir ! Et je veux pas regarder cette petite et lui dire qu'on ne pouvait rien faire. »
« D'accord, mais il va falloir un vaisseau de transport. »
« Ça, c'est mon affaire. J'espère que t'es pas allergique au poisson. »
Alors qu'Ana partait rassembler les troupes, l'Aurin décrocha son com personnel.
« Ruffie ? T'as fini ta livraison ? Ok, tu te rappelles que tu m'avais dit « ce que je voulais » comme tarif ? »